LE MAROC












INTRODUCTION:




Adoptant le tourisme comme un secteur prioritaire de ses choix économiques dès la fin des années soixante, le Maroc était considéré à l'époque comme une destination méditerranéenne pionnière, devançant tous les autres pays de la rive sud de la Méditerranée y compris la Tunisie.
Il représente 7 % du PIB, génère 608 000 emplois directs et indirects, soit 5,8 % de la population active occupée et fournit 16,5 milliards de recettes en devises. Il est surtout doté d'une forte capacité à façonner l'espace et la société. En effet, les flux croissants qui se diffusent inégalement dans le pays, la mobilisation de crédits énormes qui vont s'investir au niveau local et régional et l'intervention autrefois directe et de plus en plus indirecte, de l'Etat pour impulser des aménagements régionaux marquent le pays et les hommes de manière variable selon les régions. Le tourisme est devenu l'un des éléments principaux de l'organisation de l'espace et un facteur déterminant de modification des équilibres et des économies locales.
Une première partie de la présentera donc le modèle touristique marocain qui a toujours été marqué par un balancement entre deux produits. Il s'agit de la concurrence que se livrent d'un côté le tourisme à motivation culturelle et de l'autre le tourisme à motivation balnéaire. Depuis l'apparition du tourisme le balancement entre les deux produits fait que tantôt c'est l'un qui prédomine, tantôt c'est l'autre, tantôt ils sont presque à égalité. Or, ces deux produits correspondent à deux types de motivations des touristes à deux types de clientèles et à deux types de styles et débouchent sur des conséquences spatiales différentes, voire même opposées. Dans les deuxième et troisième parties, seront analysées les nouvelles tendances. Mutations de la demande à travers l'entrée en scène de nouvelles nationalités, vieillissement du produits balnéaire dans un premier temps et recherche du produit culturel, étalement de la saison, montée de la demande interne, développement de nouvelles formes en zones périphériques (montagne et désert) et apparition de nouveaux acteurs notamment aux niveaux local et régional. En conclusion, seront soulignés les enjeux des prochaines années, et la situation actuelle.




I.Le modèle touristique marocain : une concurrence serrée et continue entre le tourisme culturel et le tourisme balnéaire et entre le tourisme itinérant et le tourisme de séjour.


1.1. L'héritage de la période coloniale : Un produit culturel surtout
L'entrée officielle du Maroc sur le marché touristique mondial est habituellement fixée à la deuxième moitié de la décennie 60, lorsque le Maroc à travers le Plan de développement a inscrit le tourisme parmi les priorités. Mais l'apparition d'une demande touristique au Maroc remonte bien avant.
Déjà sous la colonisation française, cette demande existait. Le tourisme était alors pour l'essentiel un tourisme itinérant et basé sur des circuits privés qui étaient soit préparés par des agences de voyages locales, soit le fait des agences de la métropole, soit le plus souvent réalisés individuellement par des voyageurs. Les voyages pénétraient loin dans le Sud vers le Tafilalet, le long des oasis du Dra avec en plus visites aux anciennes capitales Fès, Méknès et Marrakech et la montagne n'était pas absente dans les affiches publicitaires. A cela il faut ajouter les croisières qui, à partir des villes côtières, effectuaient parfois des incursions dans l'intérieur. Le tourisme de séjour se limitait à une clientèle aisée et peu nombreuse, constituée par des hommes d'affaires et des croisiéristes aux séjours très courts à Casablanca, Mohammedia, Marrakech et Tanger.
Introduit à la même époque, le tourisme balnéaire était très limité dans l'espace et concernait quelques petites stations limitrophes des plaines occupées par les colons (Moulay Bouselham et Oualidia) ou à proximité des grandes capitales (les plages au sud de Rabat ou au Nord de Mohammedia et qui gardent encore des noms héritées de l'époque : sable d'or, val d'or, Manesmann etc). Ces stations très simples dans leurs aménagements (cabanons en bois) répondaient à un besoin interne et non à celui du tourisme international.
Cette situation va durer jusqu'à la fin des années 60 et pour cause : Malgré la disponibilité des littoraux, le Maroc avait un potentiel touristique diversifié et avait à vendre surtout du culturel.

1.2. Un potentiel touristique diversifié
Cette diversité du produit est elle même facilitée par une diversité du potentiel. Le Maroc en tant que pays touristique devait sa renommée à l'époque tout d'abord à ses centres historiques et culturels dispersés aux quatre coins du pays et à la variété et à la beauté de ses paysages et sites.
Encore aujourd'hui, l'intérieur du pays offre d'importantes potentialités naturelles et humaines. La nature en elle-même -en particulier les montagnes et le grand Sud- est un potentiel varié pouvant faire l'objet d'une exploration touristique. Le plus souvent, cette nature se combine à des aménagements humains pour créer des types de paysages. C'est le cas des paysages typiques des collines préri-faines et des piémonts montagneux. La ville marocaine offre aussi, en plus d'une ambiance dépaysante, une richesse incontestable quant aux monuments historiques.
Ainsi lorsqu'il est arrivé sur le marché touristique international, le Maroc bénéficiait d'une diversité des richesses touristique telle qu'on pouvait supposer que le produit touristique marocain allait être diversifié dans ses formes et diffus dans ses implantations.

1.3. L'arrivée en force du tourisme balnéaire organisé et contrôlé
Mais la destination touristique Maroc allait faire face à la vague du tourisme de masse d'origine européenne, qui déferlant sur le bassin méditerranéen, venait lécher sa rive sud. Cette nouvelle vague va amener avec elle une demande spécifique qui a tendance à préférer un produit plus ou moins stéréotypé: le séjour balnéaire en groupes organisés et contrôlés par de puissants Tours Opérateurs. Très vite le tourisme marocain, malgré ses potentialités riches et variées, va basculer vers le littoral. On peut distinguer deux phases :
- La première phase :
Au cours des années 1970, les retombées de la politique touristique inaugurée à partir de 1965-67 se font sentir et les premières vagues du tourisme de masse touchent le Maroc. Ces nouveaux vacanciers viennent avant tout à la recherche du soleil et de la mer. La côte nord a été aménagée et Tanger est relancée. En même temps, le tourisme itinérant est organisé par les agences de voyages à côté d'un tourisme individuel et motorisé. Au total le tourisme mobile aussi bien individuel qu'en groupe occupe encore une place prédominante face à un tourisme de séjour qui se développe à grande vitesse sur le bord de la méditerranée, dans la jeune station d'Agadir et dans quelques destinations de l'intérieur comme Marrakech.
- Une deuxième phase
Commence avec la fin des années 1970 et se continue durant toute la décennie suivante. Au cours de cette période la tendance à la concentration et au tourisme sédentaire s'accentue. Plus que la volonté des pouvoirs publics qui ont soutenu le lancement de la station d'Agadir, c'est la modification des comportements touristiques de la clientèle française ainsi que l'apparition de nouvelles nationalités qui sont décisives :
- Une bonne partie des vacanciers français est désormais contrôlée par le Club Méditerranée et les autres Tours opérateurs. Une autre partie préfère l'avion à la voiture pour diverses raisons et se trouve obligée de réduire ses déplacements.
-Quant aux nouvelles nationalités comme les Allemands ou les Scandinaves, elles se caractérisent par un style de tourisme particulier basé sur les séjours au bord de la mer.
- Enfin, les Tours Opérateurs s'intéressent de plus en plus au Maroc comme nouvelle destination. Bien que le circuit soit présent dans leurs programmes, il est toujours combiné au séjour qui tend à prédominer.
- Ces puissantes agences dont le produit offert est uniforme et basé sur la mer, le soleil envoient une clientèle qui, acheminée en grand nombre par des vols charters et se trouvant immobilisée dans les stations balnéaires, pratique un style de tourisme basé sur le séjour balnéaire ;
- Ce séjour se passe essentiellement dans le village-club ou l'hôtel classique qui s'improvise village-club. Il est d'une durée moyenne d'une semaine et son prix forfaitaire a été payé en Europe.
- Le séjour se passant essentiellement au sein de l'établissement, celui-ci doit regrouper plusieurs activités et par conséquent avoir de grandes dimensions. D'où un impact de plus en plus grand sur l'espace.
-Il est bien évident que comparé à d'autres pays méditerranéens, comme la Tunisie par exemple, le produit "Maroc" offre encore une certaine diversité qui est mise à profit par les Tours Opérateurs. Mais dans l'ensemble la tendance est à l'alignement sur la Tunisie, même dépassé à l’heure actuelle.

1.4. Une carte touristiques originale : des espaces parcourus et des espaces touristiques occupés
Le résultat de cette évolution est un espace touristique original à la fois occupé et parcouru. Pour mettre en évidence cette spécificité il faut penser à la Tunisie, par exemple, où l'espace touristique est avant tout occupé par un tourisme de séjour balnéaire concentré pour 90% sur les côtes et à la Syrie ou la Jordanie où l'espace touristique est d'abord et avant tout parcouru par un tourisme itinérant.
Au Maroc on relève à la fois des régions de séjour qui n'ont rien à envier aux concentrations des régions littorales tunisiennes. Mais on y relève également des régions parcourues par le tourisme itinérant.
Ceci débouche sur une carte faite de pôles et d'itinéraires. Les pôles peuvent être à la fois des lieux de séjours ou des nœuds des circuits ou les deux à la fois. Quant aux itinéraires ils relient les villes-étapes principales.
Selon les périodes, la répartition de la capacité d'accueil et de la fréquentation entre le littoral et l'intérieur change, mais dans l'ensemble la tendance est un rééquilibrage constant.
Ces espaces différents vont se différencier aussi bien au niveau de la fréquentation et des implantations touristiques qu'au niveau des incidences socio-économiques de l'activité touristique.


II. Les mutations de la demande


2.1. La clientèle classique du Maroc était une clientèle mobile et qui recherchait avant tout un produit culturel.
Lorsqu'on examine les statistiques touristiques officielles on est frappé par la croissance relativement rapide de la fin des années soixante et du début des années soixante dix et on a pu parler pour des pays comme le Maroc de boom touristique. De 150 000 entrées en 1961, le pays est passé à 1 226 000 entrées en 1973. Cette même année 1973. les seuls mois de juillet, août et septembre enregistrent l'arrivée de 500 000 touristes, soit plus que toutes les entrées des deux années 1962-1963.
Mais lorsque l'on prolonge la courbe des entrées sur une trentaine d'années l'irrégularité de ce flux ressort plus que sa croissance fulgurante. Aujourd'hui, avec 7millions touristes étrangers et plus de 14 millions de nuitées, le Maroc a repris son rythme de croissance d'autrefois.
Le monopole de l'Europe
Dans cette ascension, les vacanciers européens ont toujours constitué plus de 50 % des touristes se rendant au Maroc. Six pays (France, Espagne, Angleterre, Allemagne, Scandinavie, Benelux) fournissent l'essentiel des arrivées. Tournant autour de 60 % durant les années soixante, la part de la clientèle européenne a grimpé à 70% à la fin des années soixante dix pour atteindre 80% depuis 1979.
Tableau 1 Origine des touristes visitant le Maroc (%) - 2001

maroc
Les touristes français représentent plus du quart de la clientèle, en dépassant même 30% à deux reprises. Leur part dans le total des nuitées atteint 40%. Cette nationalité a toujours été la principale cliente du Maroc et ce, pour des raisons bien connues (liens historiques et traditionnels, facilités de communication, proximité) auxquels il faudrait ajouter le poids du Club Méditerranée qui est présent avec 7 Villages de Vacances.
Le comportement touristique de la clientèle française pendant les années 70 était assez spécifique quand on le compare au style touristique qui domine chez la clientèle allemande ou scandinave, par exemple :
C'était surtout un tourisme itinérant et individuel. La proximité du Maroc et la possibilité d'utiliser la voiture pour effectuer le voyage via-l'Espagne a joué un rôle primordial dans ce sens. De ce fait, la clientèle française, va marquer le tourisme marocain jusqu'à la fin des années 1970 par son style itinérant et individuel. Ceci se traduit par la prédominance du tourisme mobile et à composante culturelle. Les zones qui attirent le plus les touristes français sont par ordre décroissant: Marrakech Errachidia-Ouarzazate et Fès-Méknès à côté d'Agadir, attirent le plus les touristes français. C'est dire que le client français est partagé entre le tourisme itinérant dans l'intérieur et les séjours balnéaires avec une préférence au premier. La situation va changer lorsque la clientèle française comme les autres nationalités qui commencent à fréquenter le Maroc change ses comportements touristiques.

2.2. Les nouvelles tendances
- L'arrivée en force de nouvelles nationalités qui renforcent la demande du produit culturel : les Espagnols et Italiens
Ce qui semble marquer la dernière décennie et les années à venir c'est l'augmentation rapide des effectifs de touristes espagnols. Si les Portugais arrivent encore en petits nombres et si les effectifs des Italiens augmentent timidement, les Espagnols semblent découvrire la destination marocaine. Ne dépassant pas 50 000 entrées à la fin des années soixante et au début des années soixante dix, les Espagnols fournissent entre 200 000 et 300 000 touristes chaque années depuis 1986, arrivant ainsi au deuxième rang après les Français et avant les Allemands.
L'essentiel de leur fréquentation, est réservé aux villes impériales et aux circuits du Sud. Ils s'inscrivent donc dans une nouvelle vague de demande du culturel.
Parmi les autres nationalités qui commencent à fréquenter le Maroc, il faut signaler les Italiens. Représentant plus de 6% des arrivées, ils consomment 5,3% des nuitées internationales des hôtels classés. Ce sont là des chiffres encore faibles mais qui augmentent sensiblement au fil des années.
- La tendance à la recherche du produit culturel et le vieillissement du produit balnéaire
Parallèlement à cette arrivée de nouvelles nationalités, on assiste en Europe au développement d´un nouveau marché touristique en liaison avec l´évolution des sociétés industrialisées, et qui se traduit par la montée de l´individualisme, du culte de la liberté d´usage de son corps et de la valorisation de la réussite individuelle. La société de consommation devenue trop confortable et n´offrant plus suffisamment de sensation, suscite un besoin d´évasion et découvre le goût pour les pratiques à risque. Avec la montée de la conscience écologique les agences de voyages s´orientent vers des produits plus "doux" dans lesquels la découverte - notamment la découverte de l´autre - est mise en valeur. A partir de ce moment là, le produit culturel se trouve valorisé et les voyages de découverte attirent de plus en plus de clients. Nous assistons de ce fait à un vrai tournant dans l'évolution du tourisme marocain : face au produit balnéaire c'est la montée du tourisme de montagne et du désert.
- Parmi ces nouvelles tendances de la demande on relève l'étalement de la saison touristique.
Le Maroc a été longtemps un lieu de fréquentation touristique estivale. Les deux mois de juillet et d'août correspondaient à une pointe très nette, puisqu'ils recevaient 30% des arrivées annuelles. C'était là une marque du poids de la clientèle française, puisque ces touristes arrivaient surtout en été. Ceci s'expliquait essentiellement par le calendrier des grandes vacances scolaires en France.
Les courbes des variations saisonnières des décennies suivantes montrent une intéressante évolution de cette saisonnalité. On voit, en effet, l'atténuation progressive de la pointe estivale, au profit de l'apparition puis la confirmation d'une deuxième pointe, correspondant aux mois du printemps, qui de secondaire devient principale. Le poids des deux mois d'été a donc relativement baissé au profit de mars et d'avril. Cette tendance est valable pour la plupart des nationalités et devient même très accusée pour les nationalités nordiques (Allemands et Scandinaves).
L'étalement des arrivées de touristes traduit à la fois des modifications dans les comportements touristiques, l'apparition de nationalités qui arrivent surtout le printemps (Allemands) et parfois même l'hiver (Scandinaves) et le renforcement de pôles touristiques méridionaux (Agadir ou Ouarzazate) qui peuvent fonctionner en dehors de l'été.


III. La diversification du produit


Il est connu que le produit touristique, comme tout autre produit de consommation, est constamment menacé par le vieillissement et la saturation. Le Maroc a été longtemps vendu sous le label d'Agadir, la route des Kasba et les villes impériales. dans un effort de diversification et pour répondre aux mutations de la demande que nous avons déjà souligné, la destination Maroc offre désormais de nouveaux produits : les uns n'ont pas réussi et les autres se développent de façon satisfaisante. C'est surtout le produit culturel qui se trouve valorisé, et on assiste à un vrai tournant dans l'évolution du tourisme marocain : face au produit balnéaire c'est la montée du tourisme de montagne et du désert.

3.1. Des produits basés sur le culturel et qui marchent bien : le tourisme des espaces périphériques
Cherchant à la fois à diversifier son offre touristique et à impulser un développement local dans les zones marginales soit celles des montagnes de l'Atlas (notamment le Haut Atlas) soit celles situées au sud de ce même Atlas, l'Etat marocain a lancé dès la fin des années 70 des opérations d'aménagement touristique dans la ville de Ouarzazate et un plus tard des initiatives pour développer le tourisme de montagne. L'intérêt de ces opérations c'est qu'elles ont été relayées par des initiatives locales qui se sont organisées pour répondre à une demande nouvelles. celle-ci est parfois organisée comme dans le cas de la montagne et parfois plus ou moins spontanée comme dans le cas du désert. Aujourd'hui, demandes et offres sont entrain de diffuser les effets du tourisme dans le Maroc montagnard et pré-saharien.
Or, ce nouveau produit est essentiellement basé sur la dimension culturelle puisque pour le touriste étranger la visite des contrées situées au pieds du versant sud de la montagne atlasique s'est déclinée dès le départ sous le signe de la culture dans son sens le plus large : sites historiques, éléments naturels, vie quotidienne des oasiens et des montagnards dans leurs efforts d'adaptation à des conditions climatiques extrêmes et patrimoine architectural unique. C'est donc en fait la découverte de l'autre, à travers lequel on peut se redécouvrir soi-même par un jeu de miroir déjà analysé par ailleurs.
- Le tourisme de randonnée en montagne:
Malgré le basculement du tourisme vers le littoral, la montagne marocaine n'a jamais été absente du système touristique marocain. Elle offre un cadre attrayant et des centres d'intérêt diversifiés. Elle est de ce fait approchée -bien que timidement- par le tourisme international et fait l'objet d'une fréquentation assez sensible de la part des nationaux. On relève une fréquentation marocaine de caractère plutôt populaire et qui tire son origine de pratiques religieuses et récréatives traditionnelles héritées du passé (Moulay Brahim). Dans d'autres cas la fréquentation de la montagne par ces nationaux va s'appuyer sur un héritage plus récent datant de la période coloniale (Ifrane et le Moyen Atlas en général, tourisme d'hiver dans l'Oukaïmedene, développement de la résidence secondaire dans la vallée de l'Ourika).
Mais c'est le tourisme de randonnée qui attire le plus les visiteurs étrangers. Une demande internationale plus ou moins spontanée s'est organisé dans le massif du Haut Atlas de Marrakech et parcourt surtout les versants et vallées de ce massif. La prospection des itinéraires date de la période du Protectorat et s'est continué depuis et on estime aujourd'hui que la plupart des itinéraires de Grande Randonnée du Moyen Atlas et des massifs dominant Marrakech et Béni Mellal sont reconnus et décrits. La fréquentation la plus dense reste, cependant, limitée au massif du Toubkal où la section marocaine du Club Alpin Français tient un certain nombre de refuges et les Tours Opérateurs et autres agences de voyages y organisent à partir de Marrakech ou d'Imlil (principal centre d'activité alpine) des randonnées, du trekking et autres formes d'escapades exotico-sportives de type commercial.
C'est dans ce cadre que se situe l'intervention volontariste de l'Etat visant à développer un tourisme de randonnée avec logement chez l'habitant dans le Haut Atlas Central. Cette initiative étatique se situe dans le cadre d'une action de coopération Maroco-Française. Intitulée "expérience pilote intersectorielle d'économie rurale de haute montagne", cette action a choisi volontairement le tourisme, pour aider au développement des hautes vallées atlasique et arrêter l'émigration qui les vide et qui touche essentiellement les jeunes. L'expérience se limite, dans un premier temps, à quatre communes (Abachkou, Tabant, Zaouyat Ahansal et Qualaat Mgouna) choisies en fonction de la "la Grande Traversée du Haut Atlas" et couvrant les deux versants Nord et Sud de la chaîne de part et d'autre de la ligne de faîte. Ouvert depuis 1985, le Centre de Formation aux Métiers de Montagne" a déjà formé sur place et à Briançon plusieurs aides-accompagnateurs de moyenne montagne, des alpinistes et des responsables de gîtes ruraux ou gardiens de refuges, et des d'artisans. Expérience a ses début, elle fait déjà l'objet d'évaluations
- Le tourisme du désert
A côté de la montagne il convient de situer l'émergence du produit Grand Sud ou Sud intérieur. Partie de presque rien, Ouarzazate, petite ville du Sud saharien, qui n'offrait que quelques lits non classés, concentre aujourd'hui (avec son antenne Zagora) 5.502 lits en hôtels classés et réalise avec Errachidia plus d'un demi-million de nuitées par an (750.362 en 1999). Ce sont là certes des chiffres encore faibles par rapport aux grandes destinations touristiques marocaines comme Agadir (plus de 21.524 lits et 3,5 millions de nuitées hôtelières) ou Marrakech (18.000 lits et 4,3 millions de nuitées), mais pour une nouvelle destination, encore inconnue au milieu des années 80, ou fréquentée comme simple étape des tours du Sud et dotée aujourd'hui d'un aéroport international et de lignes aériennes qui la relient directement aux capitales internationales, ces performances sont non négligeables.
Parmi ces centres d'intérêt, l'habitat dit en terre constitue l'une des principales attraction. Là aussi visiter le désert ce n'est pas seulement s'imprégner de son immensité; mais c'est également voir des maisons fortifiées construites en pisé, parfois majestueusement perchées sur des pitons rocheux et richement décorées; c'est aussi visiter quelques-unes de ces maisons, pour y découvrir la vie de leurs habitants, et goûter le mystère que cachent leurs murs épais et leurs impasses sombres. Or, cet habitat attire aussi par sa fragilité. Son intégration dans le produit touristique pourrait déboucher sur sa réhabilitation et sa sauvegarde.
Nous avons donc là une relation assez intéressante puisque basée sur un besoin mutuel entre d'une part un tourisme constamment à la recherche de nouveaux produits et un patrimoine qui pourrait enrichir ce produit et bénéficier d'actions en sa faveur. Mais cette relation est aussi complexe et l'analyse du cas des Ksour du sud marocain renseigne sur cette complexité.
- Le tourisme rural
Le développement de cette nouvelle forme de tourisme est le résultat de la conjonction de diverses initiatives. A la base l'explosion des associations de développement local qui voit dans le tourisme un secteur pouvant générer des revenus supplémentaires sans grands frais ; viennent ensuite les initiatives des agences de développement, des ONG internationales, des bailleurs de fonds qui cherchant des niches pour financer des actions de développement local optent pour le tourisme rural ; ceci est concrétisé par des initiatives locales comme celle que je vais vous présenter à Zagora, par exemple, qui saisissent l'arrivée spontanée d'une demande pour y répondre ; enfin au niveau du ministère du tourisme une stratégie est entrain d'être mise en place et a pour objectif de valoriser le produit balnéaire marocain et le rendre plus compétitif par rapport à ses concurrents méditerranéens, en le complétant par d'autres attractions fortes, et contribuer ainsi de façon déterminante à sa relance et à la réussite des objectifs de l'accord cadre en matière de tourisme balnéaire (65.000 chambres additionnelles), en particulier dans les Préfectures et Provinces du Nord où le tourisme balnéaire est soit stagnant soit en déclin et participer au rééquilibrage régional du développement touristique aujourd'hui centré sur le littoral (tourisme balnéaire) et quelques grandes villes (tourisme d'affaires et tourisme culturel), et contribuer efficacement à une plus large diffusion des retombées économiques et sociales du tourisme balnéaire et culturel qui sont très fortement dominants, notamment dans les zones restées relativement à l'écart (Rif).
Résultat la définition d'une stratégie et une série de coups partis qui annonce un développement continu dans ce sens.

3.3. De nouveaux acteurs
- Autrefois, l'acteur principal et unique pour le développement du tourisme au Maroc était l'Etat.
Il a dans un premier temps anticiper la demande prévisible de la clientèle en inaugurant une politique volontariste pour développer un produit balnéaire
La politique touristique officielle du Maroc va être lancée en 1965-67. Je ne peux pas m'arrêter longtemps sur cette politique et je dirais seulement que :
- L'Etat avait pris en main ce secteur et assumé l'essentiel des charges (viabilisation, investissements directs, encouragements fiscaux de l'investissement privé) avec l'espoir que le secteur privé va suivre. La puissance publique s'était doté également d'outils d'aménagement pour contrôler (Commission interministérielle), orienter (Etudes Régionales d'Aménagement Touristique) et intervenir (Société Nationales) dans l'aménagement touristique et partant contribuer indirectement à l'aménagement du territoire.
- L'accent avait été mis sur les localisations balnéaires qui sont les plus encouragées : Les Zones à Aménagement Touristique Prioritaire (ZAP) sont à majorités littorales : Grand Sud, Tanger, Smir, Al Hoceima, et Agadir. et 75% des investissements étatiques sont localisées sur le littoral ; enfin les Grandes Sociétés Nationales d'Aménagements sont aussi littorales : SNABT à Tanger et SONABA à Agadir.
Mais dès 1978, l'Etat en tant qu'investisseur avait commencé son retrait, retrait devenu réel aujourd'hui puisque la plupart des hôtels étatiques sont devenus privés et que les encouragements et aides consenties aux investisseurs ont été limités. Il est même question de privatiser l'Office Marocain du Tourisme dont la mission est la promotion du Maroc à l'étranger. Finalement l'Etat n'est présent dans le domaine du tourisme qu'à travers le Ministère qui oriente et planifie.
- L'apparition de nouveaux acteurs locaux
Il a été de ce fait relayé par d'autres intervenants que l'on peut regrouper sous le terme d'acteurs locaux. Il ne s'agit pas ici des organisations professionnelles comme les hôteliers ou les agences de voyages ou de la promotion comme les syndicat d'initiative et de tourisme, mais bel et bien d'agent locaux qui prennent des initiatives pour promouvoir le tourisme.
L'Etat a initié quelques unes de ces organisation comme par exemple les GRIT (Groupement Régional d'Intérêt Touristiques) qui sont des associations regroupant tous ceux qui au niveau régional sont impliqués de près ou de loin dans le développement touristique local et régional. Certains de ces GRIT sont très actifs comme celui d'Agadir ou de Marrakech.
Mais les initiatives les plus intéressantes semblent être celles qui n'ont pas été initiées d'en haut. Prenons ici l'exemple du développement du tourisme dit caravanier dans la région de Zagora.
La région a fait l'objet d'une demande presque spontanée de la part du tourisme international avide de nouveaux espaces et de nouvelles rencontres. En réponse à cette demande et en l'absence de l'Etat, de jeunes, souvent diplômés chômeurs de l'université au ancien guide clandestins ou les deux à la fois, se sont convertis en promoteurs du tourisme au niveau local.
Achetant, louant ou utilisant une parcelle héritée dans la palmeraie, ils aménagent des bivouacs en installant des tentes de nomades. L'invasion de la palmeraie par le sable est valorisée dans le mesure où ce bivouac tout en étant installé dans la palmeraie l'est aussi au pied d'une dune. L'investissement fait appel à différentes sources de financement (économie, solidarité familiale, émigration internationale, appui d'amis notamment étranger, crédit auprès d'une banque). Cet investissement est destiné à l'achat des tentes et à leur ameublement, l'achat ou la location d'un troupeau de chameaux, l'achat ou la location de véhicules tout terrain et le paiement du personnel. Ce dernier est composé d'un cuisinier, de chameliers et de différents aides. Des randonnées à dos de chameaux, à pied ou en véhicules tout terrain ou combinant ces différents moyens de déplacement sont organisés dans toute la région et dure entre une journée et une semaine. La promotion de cette activité s'appuie sur différents canaux : agence de voyages domiciliées à Ouarzazate ou à Marrakech, bouche à oreille, internet. Les relations avec l'étranger sont très étroites (amis et anciens faisant la publicité et cherchant des financements, sites web particuliers sur internet). Nous avons là une connexion directe de zones périphériques avec le système monde sans passage par la capitale régionale ou nationale ce qui donne une forme originale des effets de la globalisation.
A Zagora même plus de 50 promoteurs de ce type de service ont été recensés et un travail détallé d'enquête et de relevé est en cours pour évaluer les retombées de ce type de tourisme. Les initiatives menées par ces acteurs locaux renvoient au réveil de la société civile au Maroc : les jeunes promoteurs du tourisme caravanier se sont organisés en une association qui porte un nom significatif ACTECOD. Présenter aux autorités locales et aux ONG un seul interlocuteur et défendre les intérêts des organisateurs de tourisme caravanier sont les principaux objectifs de l'association. Créée en 1999, l'association a déjà à son actif plusieurs actions : collecte des ordures laissées à côtés des bivouacs, sensibilisation à la proprété, confection et installation de panneaux, formation des guides et des chameliers, obtention de fonds auprès d'ONG et de projets de développement local.


IV. Conclusion : Les grands enjeux du futur


4.1. La concurrence balnéaire/culturel continuera-t-elle ?
Apparemment la compétition entre tourisme culturel – tourisme balnéaire est entrain d'évoluer en faveur du tourisme culturel (tableau 2). A partir de 1998 et pour la première fois dans le tourisme marocain, la fréquentation de Marrakech par le tourisme international dépasse celle d'Agadir. Si on y ajoute la fréquentation d'Ouarzazate et d'Errachidia les deux destinations dépassent désormais 40% des arrivées et 32% des nuitées. Avec les autres destinations de l'intérieur qui attirent surtout par leurs attraits culturels le Maroc reçoit désormais plus de 54% de ces touristes pour le produit culturel et plus de 44% des nuitées.
Est-ce que cela signifie que désormais la composante culturelle dans le produit touristique est devenue la plus importante ?
Il est difficile de répondre à cette question dans la mesure ou nous relevons deux tendances opposées. D'un côté il y a l'augmentation de flux de touristes qui arrivent à la recherche du culturel. En plus des Espagnols et des Italiens, notons ici l'arrivée récente des Portugais. Ces derniers viennent de plus en plus au Maroc à la recherche de leur passé ! ils visitent les anciennes possessions portugaises où cette ancienne puissance avait laissé d'importants vestiges.
Le phénomène Marrakech qui annonce une pénétration des centre anciens des villes marocaines par les résidents européens. La renommée internationale de la médina de Marrakech a entraîné une forte demande sur les vielles demeures ou riyad que les résidents étrangers de différentes nationalités récupèrent au prix fort pour les rénover et les transformer en riches résidences ou en maisons d'hôtes. Plus de 500 opérations ont été recensées à la fin 2000. Même tendance à Fès, Chefchaouen, Asilah, Essaouira.
Cependant les choses sont en train de changer et à grande vitesse comme le montrent les ambitieux projets de stations côtières inscrits dans le contrat programme. Ces projets constituent le point fort de la nouvelle stratégie déjà mise en application et basée sur un positionnement offensif sur le balnéaire. A terme, les 130 000 lits des 6 nouvelles stations programmées (Plage Blanche, Taghazout, El Haouzia, Essaouira, Khmiss Sahel et Saïdia) en s'ajoutant aux 90 000 lits existants porteront la part du littoral dans le total de la capacité d'hébergement à 68 % accusant davantage la littoralisation de l'économie et de l'espace tant décriée (tableau 3). En attendant, la répartition de la capacité hôtelière actuelle accorde un peu plus de la moitié au littoral (55,5 %) avec une destinations emblématique du tourisme balnéaire marocain, Agadir, qui concentre à elle seule 24 % de cette capacité, suivie de loin par le Nord (13 %). Le tourisme culturel localisé surtout à l'intérieur du pays est symbolisé par Marrakech qui avec 19 % de la capacité serre de près Agadir et par le Sud (Ouarzazate-Errachidia-Erfoud), nouvelles destinations qui s'affirment progressivement (près de 8 % de la capacité). Enfin la zone côtière Casablanca. Rabat combine les deux produits et s'adresse surtout au tourisme des nationaux et aux voyages d'affaires ; elle a dépassé depuis déjà longtemps le Nord en perte de vitesse et représente 14 % du potentiel.

4.2 Le Maroc d’aujourd’hui.
+6,4% de touristes en 2008
Au cours de l’année 2008, les entrées des touristes aux postes frontières ont progressé de +6% (+4% pour les TES et +9% pour les MRE). Cette dynamique ne s'est pas reflétée au niveau de la progression des nuitées touristiques et ce, suite à la baisse de la durée moyenne de séjour des touristes étrangers et à l'augmentation de la fréquentation des autres formes d'hébergement touristique notamment à Marrakech.
L'année 2008 s'achève en baisse de près de -3% des nuitées réalisées dans les établissements d'hébergement touristique classés (-5% pour les nuitées des non-résidents et +6% pour celles des résidents).
Concernant l'analyse par ville, hormis Marrakech et Agadir qui ont connu une baisse de leurs nuitées (-6% et -5% respectivement), la majorité des autres destinations ont affiché des résultats positifs en comparaison avec 2007: +10% pour Casablanca, +2% pour Rabat, +7% pour Tétouan et +10% pour Essaouira.
Le recul des nuitées durant l'année 2008 est due essentiellement à la baisse des nuitées réalisées par les touristes non-résidents (-5%). En particulier, celles des français (-8%), des anglais (-21%) et des allemands (-3%). Par ailleurs, les nuitées réalisées par les espagnols (+7%) et les pays arabes (+15%) ont connu des augmentations significatives.
Le taux d'occupation des chambres dans les établissements d'hébergement classés a atteint en 2008 45% affichant ainsi un recul de trois points par rapport à l'année précédente. Agadir enregistre le taux le plus élevé avec 57% suivie par Rabat (56%) et Marrakech (55%).